source:Journal l'inclusif
http://www.inclusif.ca/index.php?numero_journal=668&id_article=2578#articles
Paru le samedi 15 janvier 2011 sur Le Journal de Montréal
Source
http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2011/01/20110115-044500.html
Le combat d'une mère
Des CPE fermés aux handicapés?
Mathieu Turbide
15/01/2011 04h45
Découragée par près de trois ans de lutte, une mère de famille de Le Gardeur devra peut-être cesser de travailler parce qu'elle ne réussit pas à placer sa fille handicapée de trois ans et demi dans un CPE.
Selon Cyndy Duguay, le système québécois de garderies subventionnées ne fait pas suffisamment de place aux enfants handicapés. Jugeant que c'est trop compliqué et qu'il manque de ressources, les Centres de la petite enfance (CPE) refusent la plupart du temps d'intégrer des enfants handicapés dans leurs groupes, même si des subventions du gouvernement sont disponibles.
Sa petite fille, Alexia, souffre d'un retard de développement global, en raison d'un manque d'oxygène à la naissance. À trois ans et demi, elle marche, mais ne parle pas.
«C'est sûr que c'est plus de travail de s'occuper d'elle, mais elle fonctionne dans une routine. Il n'y a pas de raison pour qu'elle ne soit pas intégrée en garderie», soutient sa mère, qui tente en vain depuis plus de deux ans de lui trouver une place dans un CPE, en établissement ou en milieu familial.
À son avis, même si des subventions du gouvernement sont disponibles, les CPE sont réticents à ouvrir leurs portes aux enfants handicapés. Ça se voit surtout dans les garderies en milieu familial, dit-elle.
«Quand je les appelle, ça va bien, elles me disent qu'il y a des places disponibles. Dès que je mentionne les différences de mon enfant, là, tout à coup, ils ont d'autres personnes à voir, ils disent qu'ils vont me rappeler, mais ils ne me rappellent jamais; quand je rappelle, ils ne me répondent pas», raconte la jeune mère.
Souvent, note-t-elle, ce sont les CPE qui chapeautent les garderies subventionnées en milieu familial qui découragent les éducatrices en leur rappelant que c'est «beaucoup de travail».
70 enfants sur la liste
«De la façon que ça fonctionne, je n'en aurai jamais, de place en garderie. Tout est contre moi», dit-elle, découragée, consciente qu'elle n'est pas la seule mère aux prises avec ce problème.
«La travailleuse sociale du CLSC m'a dit qu'il y avait 70 enfants handicapés sur la liste avant la mienne qui attendent pour être intégrés dans des CPE, rien que dans Lanaudière. C'est quoi? Ils vont aller à la garderie à 18 ans? Ça n'a aucun sens.»
Cyndy, qui vient de terminer son congé de maternité pour son deuxième enfant, a dû démissionner, juste avant les Fêtes. «J'avais un bon travail, j'étais gérante. Mais là, je ne sais pas comment je vais faire pour garder ma maison. Je vais être obligée de la vendre.»
«Je vous le dis, j'ai vraiment tout fait. Je me bats depuis le début juste pour qu'elle soit intégrée en garderie parce que ça va lui faire du bien, et puis parce que je vais pouvoir travailler.»
«Il faut avoir les moyens»
Cette situation n'étonne pas Kathleen Saint-Yves, mère d'un enfant atteint de paralysie cérébrale et fondatrice du site internet L'Accompagnateur qui vient en aide aux parents d'enfants handicapés.
«C'est dommage à dire, mais pour avoir un enfant handicapé, il faut en avoir les moyens puisqu'il faut souvent se rabattre sur le privé», souligne-t-elle.
«Pour ma part, ajoute Mme Saint-Yves, je me suis rabattue sur une garderie privée en mentionnant que mon fils avait «un léger retard moteur» pour qu'il soit accepté. En vérité, comme il n'avait qu'un an, nous avions le diagnostic de paralysie cérébrale, mais nous ne savions pas quelle en serait l'ampleur. Après deux semaines en garderie, j'ai eu une discussion franche et honnête avec la responsable et elle a accepté de le garder.»
Paru samedi 15 janvier 2011 dans le Journal de Montréal
La carotte plutôt que le bâton Le gouvernement ne veut pas forcer la main des CPE
Le ministère de la Famille soutient ne pas pouvoir « forcer la main » des services de garde pour s’assurer que davantage de CPE acceptent des enfants handicapés dans leurs établissements.
Selon le porte-parole du ministère, Étienne Gauthier, le ministère utilise davantage la technique de la carotte plutôt que celle du bâton pour favoriser l’intégration des enfants handicapés en CPE.
« Le ministère ne peut pas forcer la main d’un service de garde qui ne se sent pas capable d’accueillir un enfant qui a un handicap. Par contre, on est très présents pour accompagner le service de garde qui veut et qui peut accueillir un enfant handicapé », a expliqué M. Gauthier.
Le nombre d’enfants avec handicap intégrés dans les services de garde à contribution réduite a doublé en six ans, souligne-t-il, passant de 2274, en 2003, à 4425, l’année dernière.
Pour chaque enfant handicapé intégré, le CPE reçoit une aide supplémentaire de 37,80 $ par jour, en plus de la subvention quotidienne habituelle. Les CPE ont aussi droit à un montant de 2200 $ par enfant pour aménager les locaux au besoin. Il s’agit toutefois d’enfants qui ont des handicaps plus légers.
Handicap plus sévère
Seulement 164 enfants ayant des handicaps plus lourds sont intégrés en service de garde à contribution réduite. « On parle d’enfants qui ont un lourd besoin d’accompagnement, par exemple, qui ont besoin d’aide pour des gestes de la vie quotidienne : manger, se déplacer, se vêtir », explique Étienne Gauthier. Dans ces cas-là, la subvention est gonflée d’un autre 47 $ par jour.
Le ministère ne tient toutefois pas de statistiques et ne fait pas de contrôles pour savoir si les CPE qui accueillent des enfants handicapés sont équitablement répartis sur le territoire québécois
Paru samedi 15 janvier 2011 dans le Journal de Montréal
Marie-HélèneTanguay
CPE et enfants handicapés Je trouve inacceptable qu’une enfant ayant une paralysie cérébrale ne puisse pas intégrer un CPE. Nous sommes en 2011, tout de même!
Je peux comprendre que cette enfant puisse demander plus de temps, mais je crois que c’est faire preuve de discrimination. En agissant de la sorte, les CPE privent cette jeune enfant de développer ses capacités sociales envers les autres enfants. Sa mère ne peut vaquer à ses occupations et, ainsi, contribuer activement à la société. J’ai moi-même une paralysie cérébrale et, maintenant devenue adulte, je suis vraiment en colère en constatant que la bataille de l’intégration des personnes handicapées est loin d’être gagnée.
Je suis de tout coeur avec tous ces parents qui doivent se battre afin d’obtenir un droit essentiel pour le bien-être de leurs enfants.
http://www.inclusif.ca/index.php?numero_journal=668&id_article=2578#articles
Paru le samedi 15 janvier 2011 sur Le Journal de Montréal
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http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2011/01/20110115-044500.html
Le combat d'une mère
Des CPE fermés aux handicapés?
Mathieu Turbide
15/01/2011 04h45
Découragée par près de trois ans de lutte, une mère de famille de Le Gardeur devra peut-être cesser de travailler parce qu'elle ne réussit pas à placer sa fille handicapée de trois ans et demi dans un CPE.
Selon Cyndy Duguay, le système québécois de garderies subventionnées ne fait pas suffisamment de place aux enfants handicapés. Jugeant que c'est trop compliqué et qu'il manque de ressources, les Centres de la petite enfance (CPE) refusent la plupart du temps d'intégrer des enfants handicapés dans leurs groupes, même si des subventions du gouvernement sont disponibles.
Sa petite fille, Alexia, souffre d'un retard de développement global, en raison d'un manque d'oxygène à la naissance. À trois ans et demi, elle marche, mais ne parle pas.
«C'est sûr que c'est plus de travail de s'occuper d'elle, mais elle fonctionne dans une routine. Il n'y a pas de raison pour qu'elle ne soit pas intégrée en garderie», soutient sa mère, qui tente en vain depuis plus de deux ans de lui trouver une place dans un CPE, en établissement ou en milieu familial.
À son avis, même si des subventions du gouvernement sont disponibles, les CPE sont réticents à ouvrir leurs portes aux enfants handicapés. Ça se voit surtout dans les garderies en milieu familial, dit-elle.
«Quand je les appelle, ça va bien, elles me disent qu'il y a des places disponibles. Dès que je mentionne les différences de mon enfant, là, tout à coup, ils ont d'autres personnes à voir, ils disent qu'ils vont me rappeler, mais ils ne me rappellent jamais; quand je rappelle, ils ne me répondent pas», raconte la jeune mère.
Souvent, note-t-elle, ce sont les CPE qui chapeautent les garderies subventionnées en milieu familial qui découragent les éducatrices en leur rappelant que c'est «beaucoup de travail».
70 enfants sur la liste
«De la façon que ça fonctionne, je n'en aurai jamais, de place en garderie. Tout est contre moi», dit-elle, découragée, consciente qu'elle n'est pas la seule mère aux prises avec ce problème.
«La travailleuse sociale du CLSC m'a dit qu'il y avait 70 enfants handicapés sur la liste avant la mienne qui attendent pour être intégrés dans des CPE, rien que dans Lanaudière. C'est quoi? Ils vont aller à la garderie à 18 ans? Ça n'a aucun sens.»
Cyndy, qui vient de terminer son congé de maternité pour son deuxième enfant, a dû démissionner, juste avant les Fêtes. «J'avais un bon travail, j'étais gérante. Mais là, je ne sais pas comment je vais faire pour garder ma maison. Je vais être obligée de la vendre.»
«Je vous le dis, j'ai vraiment tout fait. Je me bats depuis le début juste pour qu'elle soit intégrée en garderie parce que ça va lui faire du bien, et puis parce que je vais pouvoir travailler.»
«Il faut avoir les moyens»
Cette situation n'étonne pas Kathleen Saint-Yves, mère d'un enfant atteint de paralysie cérébrale et fondatrice du site internet L'Accompagnateur qui vient en aide aux parents d'enfants handicapés.
«C'est dommage à dire, mais pour avoir un enfant handicapé, il faut en avoir les moyens puisqu'il faut souvent se rabattre sur le privé», souligne-t-elle.
«Pour ma part, ajoute Mme Saint-Yves, je me suis rabattue sur une garderie privée en mentionnant que mon fils avait «un léger retard moteur» pour qu'il soit accepté. En vérité, comme il n'avait qu'un an, nous avions le diagnostic de paralysie cérébrale, mais nous ne savions pas quelle en serait l'ampleur. Après deux semaines en garderie, j'ai eu une discussion franche et honnête avec la responsable et elle a accepté de le garder.»
Paru samedi 15 janvier 2011 dans le Journal de Montréal
La carotte plutôt que le bâton Le gouvernement ne veut pas forcer la main des CPE
Le ministère de la Famille soutient ne pas pouvoir « forcer la main » des services de garde pour s’assurer que davantage de CPE acceptent des enfants handicapés dans leurs établissements.
Selon le porte-parole du ministère, Étienne Gauthier, le ministère utilise davantage la technique de la carotte plutôt que celle du bâton pour favoriser l’intégration des enfants handicapés en CPE.
« Le ministère ne peut pas forcer la main d’un service de garde qui ne se sent pas capable d’accueillir un enfant qui a un handicap. Par contre, on est très présents pour accompagner le service de garde qui veut et qui peut accueillir un enfant handicapé », a expliqué M. Gauthier.
Le nombre d’enfants avec handicap intégrés dans les services de garde à contribution réduite a doublé en six ans, souligne-t-il, passant de 2274, en 2003, à 4425, l’année dernière.
Pour chaque enfant handicapé intégré, le CPE reçoit une aide supplémentaire de 37,80 $ par jour, en plus de la subvention quotidienne habituelle. Les CPE ont aussi droit à un montant de 2200 $ par enfant pour aménager les locaux au besoin. Il s’agit toutefois d’enfants qui ont des handicaps plus légers.
Handicap plus sévère
Seulement 164 enfants ayant des handicaps plus lourds sont intégrés en service de garde à contribution réduite. « On parle d’enfants qui ont un lourd besoin d’accompagnement, par exemple, qui ont besoin d’aide pour des gestes de la vie quotidienne : manger, se déplacer, se vêtir », explique Étienne Gauthier. Dans ces cas-là, la subvention est gonflée d’un autre 47 $ par jour.
Le ministère ne tient toutefois pas de statistiques et ne fait pas de contrôles pour savoir si les CPE qui accueillent des enfants handicapés sont équitablement répartis sur le territoire québécois
Paru samedi 15 janvier 2011 dans le Journal de Montréal
Marie-HélèneTanguay
CPE et enfants handicapés Je trouve inacceptable qu’une enfant ayant une paralysie cérébrale ne puisse pas intégrer un CPE. Nous sommes en 2011, tout de même!
Je peux comprendre que cette enfant puisse demander plus de temps, mais je crois que c’est faire preuve de discrimination. En agissant de la sorte, les CPE privent cette jeune enfant de développer ses capacités sociales envers les autres enfants. Sa mère ne peut vaquer à ses occupations et, ainsi, contribuer activement à la société. J’ai moi-même une paralysie cérébrale et, maintenant devenue adulte, je suis vraiment en colère en constatant que la bataille de l’intégration des personnes handicapées est loin d’être gagnée.
Je suis de tout coeur avec tous ces parents qui doivent se battre afin d’obtenir un droit essentiel pour le bien-être de leurs enfants.